Asmaa El Wadghiri
Une critique d’une de nos rédactrice d’une pièce donnée au théâtre de la cité “Les hurlements saillants de la jeune fille trahissent l’horreur de la scène et véhiculent l’un des principaux messages de la pièce. Le véritable prédateur n’est pas celui auquel on s’attendait, il n’est pas bestial et ne se cache pas dans les bois dans l’attente de ses proies. Il est humain, il est chasseur.“
“À l’orée d’un bois mal fagoté Mère et Petite se renvoient galettes et petits pots de beurre. Qui ira visiter Mamie samedi prochain ? Si Mère se noie dans les contes, la Petite ne se raconte pas d’histoire…Mais comment faire pour grandir quand on connaît la chanson ?” Extrait de Au bois
Cette pièce de Mathilde Modde, réalisée en partenariat avec l’ESAD, revisite le fameux conte du chaperon rouge pour traiter d’un ensemble de problématiques de notre temps.
Sur le plan esthétique et formel, les costumes des personnages, la langue qu’ils emploient, ainsi que la musique sont contemporains. Le décor est simple, la scène se compose de chaises, d’un piano, et l’action se tient principalement dans un bois, comme évoqué dans le titre. La narration est rythmée par le son grave des tambours énonciateurs des péripéties et du danger du loup qui rôde autour des bois. Elle est entrecoupée de chants accompagnés au piano, celle qui revient le plus est l’iconique musique du chaperon rouge :
*Promenons-nous dans les Ies bois
Pendant que le loup n’y est pas
Car s’il y était
Il nous mangerait”
Au cœur de l’intrigue, une mère insistant pour que sa fille aille rendre visite à sa grand-mère dans la forêt pour lui apporter des galettes et des pots de beurre. Cependant la fille s’y refuse, notamment car elle est occupée par ses révisions.
La mère se résout donc à s’y rendre. Une fois arrivée au bois, elle émet un long monologue où elle réfléchit sur les bienfaits que lui cause la reconnexion avec la nature. La solitude dans la forêt l’amène s’émerveiller devant de simples détails qu’elle aurait autrement occultés, tels que les arbres, les champignons et les cours d’eau, loin du rythme effréné de la vie urbaine et de ses artifices.
Le retard que met la mère à rentrer à la maison suscite l’inquiétude de la jeune fille, la contraignant à prendre son vélo et à se rendre aux bois en pleine nuit, à la recherche de sa mère.
Enfoncée dans la forêt, la fille croise le chemin du chasseur du loup. Il la viole.
Les lumières s’éteignent, une atmosphère sombre et quasi glauque s’empare de la scène.
Un groupe de jeunes munis de lampes fredonnent la chanson du chaperon rouge et s’en vont à la recherche du loup.
Les hurlements saillants de la jeune fille trahissent l’horreur de la scène et véhiculent l’un des principaux messages de la pièce. Le véritable prédateur n’est pas celui auquel on s’attendait, il n’est pas bestial et ne se cache pas dans les bois dans l’attente de ses proies. Il est humain, il est chasseur.
À mon sens, la pièce réussit à transmettre son message, la réadaptation du conte du chaperon rouge se prête bien aux thèmes abordés. Le dialogue tendu entre la mère et la fille traduit un certain conflit générationnel, une difficulté des deux partis à se faire entendre et comprendre, ainsi qu’une évolution des relations parentales vers une perte d’autorité.
Si le fond est intéressant, la forme quant à elle m’a laissée sur ma fin. J’ai trouvé les dialogues et la musique parfois répétitifs et manquants de clarté, et les personnages n’étaient pas suffisamment développés, rendant la pièce difficile à suivre par moments.
Asmaa El Wadghiri
image : (c) Mario Pignata Monti