Obamacare est un tabouret

Alexandre Thibault Obamacare tabouret Cité Unie International

Obamacare est un tabouret. Du moins, c’est ainsi que Jon Gruber, économiste du MIT et architecte de la loi phare du président sortant, le conçoit. C’est à l’aide de cette métaphore que l’on peut comprendre le désastreux plan républicain de réforme de l’assurance-santé.

Aux États-Unis, où l’idée d’un système de santé entièrement public et universel est politiquement inatteignable, il existe une pluralité d’arrangements en matière d’assurance-santé. Les militaires, les enfants et les aînés ont largement accès à un financement public, tandis qu’une majorité des gens en âge de travailler ont une couverture privée financée par leur employeur. Malheureusement, il fut un temps où les salariés des PME, les travailleurs autonomes et les chômeurs avaient plus difficilement accès au marché de l’assurance-santé. Cela tient du fait qu’une compagnie d’assurance peut plus facilement calculer et répartir le risque d’un groupe de plusieurs milliers de salariés et leur proposer une police abordable qu’elle le peut pour un seul ou une poignée d’individus . En économie, on nomme cela asymétrie de l’information. C’est pour cette catégorie de gens que la loi Obamacare a été créée en 2010.

Première patte

Ces individus sont essentiellement plus vulnérables que leurs concitoyens. La possibilité pour les compagnies d’assurance d’ajuster leur prix en fonction de l’état de santé de l’individu fait en sorte que les plus malades, ceux qui ont vraiment besoin d’être traités, paient leur assurance beaucoup plus cher. Encore pire, la possibilité pour une compagnie de refuser ou même de cesser la couverture les laisse face à des frais médicaux exorbitants. La première patte du tabouret consiste à obliger les compagnies d’assurance à émettre une police à tous, mêmes les malades, et d’interdire la discrimination de prix en raison de l’état de santé.

Seconde patte

Une patte ne suffit pourtant pas à régler le problème. En effet, si ce n’était que de cela, les gens jeunes, fringants et en santé attendraient de tomber malade avant de souscrire une police d’assurance. Ils se casseraient une jambe, appelleraient la compagnie d’assurance, qui serait obligée de les assurer et annuleraient leur police aussitôt l’opération terminée. Cela ferait en sorte que seuls les vieux, les malades et les infirmes seraient constamment assurés, ce qui serait excessivement coûteux étant donné le risque élevé de cette catégorie de gens. La seconde patte est donc une obligation pour toute personne de souscrire une police d’assurance, sous peine d’amende, communément appelé « mandat individuel ». Cela fait en sorte que le risque est réparti entre les jeunes et les vieux, les malades et les plus robustes, ce qui réduit le risque et le cout des polices d’assurance.

Troisième patte

Enfin, que faire des gens qui n’ont pas les moyens financiers de remplir l’obligation d’être assurés ? La loi prévoit des subventions aux individus et aux familles moins nanties, pour les aider à souscrire une police d’assurance, voilà la troisième patte.

Voilà la beauté d’Obamacare, s’assurer que même les plus vulnérables de la société ont une assurance-santé, en répartissant les risques et en aidant les plus pauvres à y participer. Et ça a marché, en réduisant le pourcentage de la population sans assurance de 15.7% à 8.6%, le taux le plus faible en cinquante ans.

Ce qui est intéressant à noter, c’est que cette solution est d’abord un projet piloté, avec succès, par le gouverneur du Massachusetts Mitt Romney. Et oui, un Républicain. Certains commentateurs conservateurs soulignaient alors la nature essentiellement conservatrice du projet, en ce qu’il encourage la responsabilité de l’individu.

Tomber en bas de sa chaise

L’autre côté de la médaille, c’est la fragilité inhérente du tabouret. Enlève une patte, et voilà des dizaines de millions de gens fesses à terre. C’est malheureusement ce que fait actuellement la majorité républicaine au Congrès, en coupant les subventions et en retirant le mandat individuel, sans toucher à la première patte. La dynamique qui devrait alors s’installer s’intitule spirale de la mort (sans blague). Celle-ci passe par la résiliation en masse des jeunes fringants qui n’y sont plus obligés et l’incapacité des plus pauvres à rester assurés, laissant seuls les malades sur le marché, entrainant une augmentation fulgurante du prix des polices et un effondrement massif de l’industrie de l’assurance-santé. Ce scénario catastrophique a été validé à nombreuses reprises tant par la presse que des économistes influents et même par la Cour suprême américaine.

Selon un rapport publié mardi dernier par le Congressional Budget Office, un bureau d’études non-partisan, une fois les dispositions essentielles d’Obamacare abrogées, le nombre d’Américains non assurés devrait augmenter de 18 millions en un an puis de 32 millions sur dix ans.

Les Républicains n’ont toujours pas présenté de projet de loi pour remplacer celui qu’ils amputent actuellement. De son côté, le président-élu Donald Trump assure avoir un plan dans lequel tous les Américains seront assurés, sans être entièrement public, ni être Obamacare, certainement moins coûteux, et dont les détails sont toujours inconnus.

Par Alexandre Thibault
Rédacteur en chef 
Maison des étudiants canadiens

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