Le mec sur cette affiche : Nicolas Dupont-Aignan

Il faut admettre la difficulté à s’apprivoiser le vaste paysage politique qui se déploie en anticipation des élections présidentielles de 2017. Bien que la droite et l’extrême droite aient déjà choisis leurs champions, ce qui ne devrait pas tarder pour la gauche, certains candidats à la présidentielle outrepassent ces sélections informelles et choisissent l’orphelinat politique. C’est notamment le cas de Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron qui ont fondé des mouvements sui generis à l’extérieur des structures partisanes, et qui surfent sur la vague des sondages malgré leur non-affiliation à L’RPS (néologisme référant aux deux partis mainstream, Les Républicains et le Parti socialiste). Il en va pareillement pour Nicolas Dupont-Aignan et son mouvement Debout la France (DLF).

Qui est Dupont-Aignan ? Ce visage qui, pour plusieurs faux Parisiens de notre communauté (dont moi même), est tapissé sur les murs des métros et les barrières de chantiers, au travers du fil Facebook, par-ci par-là, est méconnaissable pour les non initiés. Député de l’Essonne et homme de droite affirmé, il tente à la fois de se démarquer du programme de François Fillon et des idées-reçues sur le FN, deux formations auxquelles il est souvent associé. Voici un portrait du personnage.

Nicolas Dupont-Aignan est né en 1961 à Paris, dans une famille de classe moyenne et d’un père prisonnier, puis évadé lors de la Seconde Guerre mondiale. Il a fait ses études à Sciences Po puis à l’ÉNA, et a ensuite travaillé dans les ministères de François Bayrou et Michel Barnier, deux hommes forts de l’actuel parti Les Républicains. Il est maire de la ville d’Yerres depuis 1995 et député d’Essonne depuis 1997. Il est reconnu pour sa verve souverainiste, présenté au grand public en 2005 dans sa campagne pour le non au Traité constitutionnel européen. Il quitte l’UMP en 2007, en raison d’un désaccord avec la politique de Sarkozy, pour fonder le mouvement Debout la France. Il a réussi à obtenir 1.79% des voix au premier tour des élections présidentielles de 2012.

Identité politique

Présentant son mouvement comme « gaulliste et républicain », cette devise ne permet toutefois pas de l’identifier face à sa concurrence, qui se fonde tout autant sur l’héritage du général de Gaulle. L’identité politique de Dupont-Aignan tourne d’abord autour de son affirmation antisystème, pour la souveraineté de la France face à l’UE, contre la mondialisation et pour les valeurs conservatrices d’ordre, sécurité et famille. Le dévoilement de son programme plus détaillé est prévu pour le 1 février.

Antisystème, l’énarque ? Il semble que ce dernier ait seulement pris ce tournant en 2007, alors qu’il quitte les rangs de la droite dominante qu’il fréquente depuis plus de 30 ans. Depuis, il formule une critique des systèmes oligarchique, médiatique et du système des deux partis (PS et LR) qui s’arrogent le pouvoir en alternance. Rappelant la montée d’un Trump contre les élites politiques et économiques, mais lui même issu d’un milieu richissime, NDA semble vouloir surfer sur une vague de populisme en condamnant son ancienne famille politique.

S’affichant contre la mondialisation, il reprend certaines propositions protectionnistes et nationalistes. Sur le plan économique, il veut revitaliser l’emploi en subventionnant les entreprises qui opèrent sur le territoire, quitte à en nationaliser, pour créer un million d’emplois dès son arrivée au pouvoir. Il veut aussi lancer un « boycott des marques qui délocalisent trop ». En ce qui concerne l’immigration, il propose entres autres une politique controversée proposée par le FN : la « priorité nationale ». Cela consiste à opérer une discrimination entre étrangers et nationaux dans l’attribution des aides sociales, pour cinq ans suivant l’arrivée en France.

Eurosceptiques en marche !

Dupont-Aignan reste surtout associé au mouvement eurosceptique. Bien qu’il ne soit pas pour un Frexit (Brexit à la française) imminent, il veut renégocier les traités européens selon le modèle gaulliste d’une Europe des Nations, fondée sur la coopération et sans les institutions actuelles. Pour ce faire, il propose l’abolition des structures supranationales de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne.

En matière de relations internationales, il supporte la célèbre affirmation de Charles de Gaulle, comme quoi « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », ce qui laisse présager une politique étrangère très centrée sur la France. Cette affirmation fait écho à la doctrine « America First » à la Trump, bombardée sur Twitter ces derniers mois, dans un revirement total du consensus internationaliste d’après-guerre.

Le FN demande depuis longtemps de former une alliance avec lui ; or Dupont-Aignan rétorque toujours qu’il ne considérerait l’offre que si le Front National se débarrassait de son « arrière-boutique xénophobe et raciste », ce qui inclut la présidence honorifique de Jean-Marie Le Pen. Ce dernier n’hésite toutefois pas à se dire allié du UKIP britannique et du Mouvement Cinq Étoiles italiens, deux partis tout autant qualifiés de xénophobes et racistes. Quant aux aspirations frontistes, il considère que « On veut protester avec le FN, on voudra gouverner avec Debout la France ». Difficile, toutefois, pour Dupont-Aignan de se distancier complètement du FN. Il n’est pas sans importance de mentionner la plaisanterie de Le Pen, qui lui avait offert sa signature d’élu, officialisant sa candidature présidentielle de 2007.

Pour se distancer de François Fillon, il a récemment affirmé sur Twitter que son programme était « le plus con de l’histoire de la droite ». Tout en se reconnaissant contre ce qu’il décrit comme l’assistanat social, il veut combattre la « cure d’austérité à la grecque » et le libéralisme économique à la Fillon. Il se dit plutôt « gaulliste social », promettant de ne pas revenir sur la limite de 35 heures du temps de travail hebdomadaire.

Si la tendance se maintient

Coincé entre deux figures de droite très médiatisées, Marine Le Pen et François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan peine à se tailler une place dans les sondages, sa part anticipée du suffrage variant de 1% à 3% selon Le Monde. Celle-ci, en comparaison à sa figure de 8% de septembre, est nécessairement due à l’élection de François Fillon comme candidat républicain le 27 novembre dernier, ce qui a considérablement réduit son espace politique.

Se régalant des succès du Brexit et de Trump, qui défiaient les sondages, il se dit quasiment prédestiné à gagner, réclamant que « l’histoire est en marche et personne ne comprend rien ». Dans son livre, titré France : lève toi et marche, il affirme « Dans une période normale, je n’ai aucune chance, mais la période n’est pas normale. Je prépare le grand soir. »

 

Par Alexandre Thibault, rédacteur en chef,

Maison des étudiants canadiens. 

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