Débarquer à Paris

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Débarquer à Paris pour faire ses études n’est pas anodin, même lorsque l’on est né en France.  D’ailleurs, on ne dit pas « aller » à Paris pour faire ses études mais « monter » à Paris faire ses études, et ce, d’autant plus quand l’on vient du Sud de la France. En effet, la France est un pays macrocéphale dont la capitale est indubitablement le sommet. Mais il ne s’agit pas ici d’entrer dans des considérations géographiques et historiques complexes, il s’agit de raconter ce que vivre à Paris en tant qu’étudiant Français peut représenter. 

L’on ne saute pas dans l’inconnu le plus total mais on se confronte à une certaine immensité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en France. Tout nous parait plus grand, plus dense, plus intense. Bref, Paris ne ressemble pas au reste de la France et c’est pourquoi monter à Paris est une expérience à part, presque comme si l’on changeait de pays. Toutefois, c’est justement parce qu’elle occupe une place à part parmi les autres villes du pays qu’elle n’est jamais complètement étrangère aux provinciaux. Il n’y a pas une famille française dont les membres n’habitent pas ou n’ont  pas habité à Paris. 

De fait, mon arrivée dans la capitale n’a pas été aussi “déracinante” que je le prédisais.  J’ai pu réaliser que j’avais déjà un peu vécu à Paris par procuration. Tout d’abord à travers les histoires familiales, celles de mes grands-parents qui y sont montés depuis leurs campagnes pour être embauchés, comme cela se faisait massivement au début des Trente Glorieuses, dans la fonction publique. Ainsi, certaines stations de métro qui n’avaient plus été prononcées chez mes aïeux depuis quelque temps font jaillir des souvenirs, des anecdotes qui m’ont permis de repérer les lieux. Il y a aussi la jeunesse d’un de mes parents qui a écumé Paris, qui a fait l’expérience des petits appartements, de la vie nocturne et des derniers métros de la nuit qui se transforment en premiers métros de la journée.  Ces récits font écho à mon nouveau départ. A travers ces témoignages se dévoilent les tâtonnements, les initiations d’une vie d’adulte encore embryonnaire. Ils rappellent que les tracas étudiants et surtout la solitude que l’on peut parfois éprouver au commencement d’une vie parisienne ne font pas exception. 

Mais au milieu de moments en solitaire ou de frénésie presque incontrôlée que provoque l’atmosphère qui règne dans Paris, il y a, au-delà des romans familiaux, les romans, les vrais, la littérature qui elle, ne bouge pas. Car si mon récit initiatique est la preuve d’un mouvement, d’une instabilité dans une histoire qui s’écrit, la trace des récits, ceux qui nous ont accompagnés pendant notre  cheminement, reste intangible. En effet, ce qui me rassure dans Paris, ce sont ces plaques bien figées sur les murs qui commémorent des figures du passé. C’est ainsi que lors d’un détour rue campagne première je découvre par l’un de ces écriteaux que c‘est à cet endroit précis qu’ont habité Elsa Triolet et Louis Aragon. Puis, en sortant de cours rue de la Sorbonne, je vois au-dessus du numéro 8 l’indication suivante :  le poète Charles Péguy y a fondé Les Cahiers de la Quinzaine en 1900, revue qui lui permettra de publier ses propres œuvres. L’on pourrait multiplier ces exemples qui nous feraient marcher dans Paris la tête perpétuellement en l’air comme pour prendre une bouffée d’oxygène. Mais la cité internationale n’est pas en reste dans ce genre de trouvailles anecdotiques. C’est en déjeunant au « resto U » de la cité que j’ai appris, par un autre étudiant venu s’installer pour manger à ma table de façon fortuite et spontanée, que Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre se seraient connus à la Fondation Deutsch de la Meurthe.  La cité universitaire illustre bien la façon dont j’aime me sentir entourée dans la capitale : être au milieu de figures bien enracinées qui ont écrit l’histoire et au milieu d’histoires d’autres étudiants qui sont en train de s’écrire.

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