Une ivresse technologique dans le confinement

Fabian Irsara / Unsplash

Quand nous pensons à l’ivresse, nous pensons immédiatement aux histoires drôles de ce moment partagé avec des amis ou l’ivresse de l’enthousiasme face à de nouvelles possibilités de vie et de futur. Mais quel sera le mal de tête qui viendra ensuite lorsque cette ivresse est causée par une utilisation intensive de la technologie ?

La technologie change selon notre façon de vivre ensemble, notre façon de communiquer, d’interagir et d’apprendre. On peut dire qu’elle fait changer la culture, car le numérique est inséré dans la culture, comme la culture est insérée dans le numérique. Cela modifie aussi les moyens d’organisation de la société et les façons d’organisation d’une culture démocratique. Ainsi, on va voir de nombreux termes qui se connectent : l’environnement, la société, la technologie, l’éducation, la culture et la démocratie. Un cercle inter-connecté par des phénomènes qui doivent être étudiés, en même temps, individuellement et ensemble.

L’accélération technologique vécue au cours des dernières décennies nous a conduits à une société en réseau. Le monde entier est disponible sur l’écran ou dans la paume de notre main. Toutes sortes d’informations et de services sont disponibles via nos petits appareils. Quoique riche en quantité, l’information, dans ce nouvel environnement technologique, se perd parfois dans son propre message. Le problème n’est pas maintenant d’accéder à l’information, car nous sommes en grande partie connectés en nombre croissant. Le problème réside dans le grand flux d’informations et l’incapacité à gérer autant de nouvelles, ce qui nous laisse parfois endormis ou ivres.

Si d’une part la sobriété est fade, parce elle n’a pas d’histoires drôles à raconter, elle n’a pas l’éclat de la créativité palpitante de se réinventer mais en même temps, elle peut être disciplinée et chercher le sérieux dans sa réalisation pratique. D’autre part, l’ivresse a un feu inventif, mais elle peut se perdre dans son manque de direction et de contrôle. Comment pouvons-nous trouver un équilibre entre sobriété et ivresse ou entre connexion et déconnexion dans ce contexte d’information aux caractéristiques dispersées et parfois destructrices ?

Si on commence à penser à partir d’une sensation des incertitudes d’aujourd’hui, on peut considérer, par exemple, la crise actuelle de la pandémie de Covid-19, déclenchée en 2020 ; ce manque de contrôle est là. Cette crise nous a réveillés : une crise sanitaire peut être connectée dans un sens de polycrise. La crise est sanitaire, mais, en même temps, elle est aussi monétaire, sociale, écologique, politique, de l’éducation, etc. Et avec la technologie en main, nous pouvons suivre les données quotidiennes sur les avancées du virus dans le monde et comment les gouvernements de chaque pays font face à cette situation. Depuis nos maisons, nous en savions plus que jamais sur la douleur et l’angoisse des endroits éloignés.

Certains disent qu’intrinsèquement le numérique n’est ni bon ni mal. Ou aussi qu’il est dangereux d’avoir une vision uniquement optimiste de la technologie, ou une approche technophobe. Mais, je crois que c’est nécessaire de le considérer plus complexe dans ce sens ; car si intrinsèquement le numérique n’est ni bon ni mal, ses conséquences sont ou bonnes ou mauvaises. Il est difficile de comprendre ou de mesurer à l’avance l’amplitude de telles conséquences avant la pratique. Ce qu’on peut faire, cependant, c’est projeter des modèles ou suivre les recherches sur cette transition induite par la technologie, pour voir si elle est présente dans les plus divers domaines, politique et sociologique, par exemple.

Si on observait la période de la crise sanitaire, provoqué par le coronavirus, qui d’une façon ou d’une autre s’entrelace avec d’autres crises déjà mises en relief par avant, on peut remarquer que les réseaux numériques sont plus forts actuellement. Par exemple, le travail à domicile, choisi par ceux qui peuvent le faire, a fait décupler l’usage du numérique. Les achats en ligne, soit de services, de produits d’alimentation, d’informations, de contenus, etc., out cela contribue à augmenter l’usage des réseaux, des plate-formes et des applications. Un nouveau format de commerce s’intensifie, c’est le capitalisme dans sa version high-tech.

Nous devons, dès que possible, réfléchir aux nouvelles relations de travail résultant de cette technologie et à l’évolution possible des droits du travail, aux nouvelles formes d’exploitation, aux inégalités et aux injustices envers les vies humaines et non-humaines. À mon avis, ce sont déjà certaines des conséquences ou des gueules de bois qui accompagnent l’ivresse technologique de notre temps.

Cette période d’isolement social rappelle les écrits de Thoreau dans Walden. Dans la cabane, isolé, presque sans interaction sociale, c’est dans la méditation des petits détails qu’il rencontrait la beauté et la richesse de l’être et du devenir. Aujourd’hui, isolés dans nos cabanes de l’année 2020, à cause de l’isolement social et du confinement pour combattre le Covid-19, nous n’imaginons même pas un jour sans le soutien de la technologie qui nous connecte avec les autres et avec le monde entier. La technologie est-elle devenue essentielle à notre vie quotidienne moderne ?

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