Processus de paix en Colombie : ne jamais abandonner le chemin de la paix

Image : Gobierno de Chile – Jefa de Estado participa en ceremonia de la Firma de la Paz entre el Gobierno de Colombia y las FARC E.P., CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51813212

1928 : Les premières divisions

Des soldats colombiens tirent sur la foule des grévistes de la United Fruit Company, qui luttaient contre le système simili-colonial de salaires versés sous forme de bons d’achats valables uniquement dans les magasins tenus par la corporation et contre les nouvelles lois antisyndicales. Les estimations du nombre de morts varient grandement : selon le général Cortés Vargas, seuls neuf grévistes furent tués tandis que l’ambassadeur américain et le leader gauchiste Jorge Eliécer Gaitàn parlent de plus d’un millier de morts. Le pays commence à se diviser entre la frange conservatrice, considérée par Gaitàn comme étant la marionnette du système capitaliste des États-Unis « prête à tuer son peuple pour plaire aux investisseurs étrangers », et les milieux paysans.

1948 : L’étincelle

Gaitàn est assassiné alors qu’il est candidat aux élections présidentielles par Juan Roa Sierra, un jeune de 20 ans qui sera battu à mort à quelques instants près par une foule en colère sans pouvoir expliquer les raisons de son acte. Les positions de Gaitàn incluaient la nationalisation de l’éducation et l’amélioration de la qualité du travail des ouvriers. Le pays plonge alors dans une période d’extrême violence, appelée « La Violencia », qui fera entre 100 000 et 300 000 morts.

1953 : La junte militaire et les zones communistes

Le général Gustavo Rojas Pinilla prend le pouvoir à la suite d’un accord entre les deux grands partis, les libéraux et les conservateurs, pour cesser les violences. Le gouvernement militaire offre l’amnistie aux bandits et guérilleros à condition qu’ils rendent leurs armes. Le parti communiste et certaines de ses cellules, alors interdit par le gouvernement précédent, refuse cet accord et s’exilent dans les zones reculées qu’ils vont contrôler complètement, en y partageant les terres.

1958 : La chute de Pinilla

Le gouvernement militaire prend fin lorsque les conservateurs et les libéraux se mettent d’accord pour former un gouvernement d’union nationale. Le nouveau gouvernement ne met pas fin aux zones d’autodéfense des guérilleros.

1964 : L’éclosion des FARC

L’armée colombienne attaque les groupuscules communistes d’une zone autonome appelée la République de Marquetalia le 27 mai : c’est le jour mythique de la fondation des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), qui ne seront formés qu’officiellement deux ans plus tard. Après quelques semaines, ces groupes doivent renoncer au territoire et se nichent dans des territoires plus isolés.

1967 : Coup dur pour les FARC

Lors d’une bataille avec l’armée colombienne dans les départements du Quindío et du Caldas, le chef des FARC, Ciro Trujillo, est tué ainsi que les deux tiers de ses effectifs. Le reste se replie dans les « républiques indépendantes » dans lesquelles ils ont un soutien populaire. Les rangs des FARC vont s’élargir petit à petit jusqu’à atteindre 900 combattants en 1978. Le Parti Communiste colombien (PCC), qui dirige les FARC, ne pensent pas pouvoir réussir un coup d’état et favorisent la lutte urbaine. Le PCC et les FARC vont se distancer peu à peu.

1982 : Le plan à long terme

Lors de la 7e conférence des FARC, il est décidé que les fronts seront présents dans l’ensemble du territoire colombien et visent un coup d’état dans les huit années qui suivent. C’est aussi le début du financement par le narcotrafic et les prises d’otages.

1984 : Le premier effort pour la paix

Après maintes négociations, un premier cessez-le-feu est signé entre les FARC et le gouvernement. Les FARC créent leur parti politique allié du Parti Communiste colombien, appelé l’Union Patriotique (UP). Toutefois, il y a une vague de meurtres contre les membres et les partisans de l’UP, surtout ses candidats aux élections présidentielles et locales : jusqu’en 1994, entre 3000 et 5000 sont tués par des policiers, des narcotrafiquants, des politiciens et des paramilitaires qui prennent de l’ampleur. Les FARC ont aussi leur part de violence, tuant des ennemis politiques.

1987 : Les combats reprennent

Dans un climat d’extrême violence en Colombie, dû surtout aux cartels de drogue, les FARC se distancient de l’UP et reprennent les combats contre l’armée colombienne.

1991 : Une autre « Violencia »

Les FARC et le PCC n’ont plus de bonnes relations : le PCC n’a plus son mot à dire aux FARC qui sont à ce moment exceptionnellement nombreux et puissants, que le gouvernement cubain ne soutient plus activement. Le gouvernement colombien prend possession de leur fief de « La Uribe ». Cela déclenchera un nouvel affront entre les FARC et l’armée colombienne qui persistera jusqu’en 1998, avec un essor des forces paramilitaires d’extrême-droite qui s’en prennent violemment aux populations civiles accusées d’être pro-FARC. Ces épisodes violents vont causer des déplacements massifs de population.

1998 : La main tendue de Pastrana ?

Le nouveau président colombien Pastrana déclare une zone de démilitarisation d’une quarantaine de milliers de kilomètres pour engager des pourparlers. Seulement, le chef des FARC Manuel Marulanda n’assistera pas à l’ouverture des discussions officielles, partiellement à cause des positions ambigües de Pastrana. Les FARC utilisent ces zones démilitarisées pour y expulser les fonctionnaires de l’Etat et y construisent des camps d’entraînement.

2000 : L’apogée des FARC

Les FARC sont au pic de leur puissance : leurs rangs sont composés d’environ 17 000 combattants. En guise de réponse, l’armée colombienne, en partie grâce au soutien financier des Etats-Unis, quadruple son effectif à 375 000 soldats et modernise considérablement son aviation, infligeant de lourdes pertes aux FARC.

2002 : Les premiers enlèvements

Après des refus d’échanges de prisonniers, les FARC optent pour le kidnapping de politiciens comme moyen de démonstration de force : le sénateur Géchem et la candidate à la présidentielle Íngrid Betancourt sont enlevés. Ceci marque la fin des zones de démilitarisation. Uribe, farouche opposant aux négociations de paix, est élu président avec comme projet une victoire militaire contre les FARC, qui comptent à cette époque plus de 20 000 guérilleros.

2003 : Une amnistie pour les FARC

Le gouvernement colombien met en place une politique d’amnistie pour les guérilleros et les paramilitaires. De plus en plus de combattants des FARC commencent à déserter les rangs après des revers militaires et ce programme d’amnistie. Les FARC pratiquent aussi la pose de mines antipersonnel et l’emploi de mercenaires.

2008 : Le peuple manifeste

Exaspérés par la violence, les civils organisent une mobilisation massive : près de deux millions de Colombiens manifestent dans la rue pour protester contre les FARC. Dans les zones contrôlées par les FARC depuis des décennies, le soutien populaire persiste quelque peu. Les assauts violents entre les FARC et l’armée colombienne persistent jusqu’en 2012.

2010 : Une présidence pour la paix

Juan Manuel Santos, dauphin d’Uribe, est élu président. Il se pose comme pacificateur, à inverse de son prédecesseur, recherchant une issue pour la paix : il réussit à détendre les relations avec l’Equateur et le Venezuela, dont le président Hugo Chávez va plaider pour une reprise des négociations de paix. Les FARC sont donc isolés sur la scène internationale. A cela s’ajoute une diminution considérable des rangs des FARC suite aux combats et aux désertions pour atteindre un nombre de 8 000 combattants.

2012 : Le commencement des négociations

Les pourparlers de paix commencent à Oslo. Les pays garants du processus sont la Norvège, grâce à son expérience dans la médiation, et Cuba, siège des précédentes rencontres. Les leaders gauchistes d’Amérique Latine, principalement les présidents vénézuélien, équatorien et bolivien, appuient fortement ces pourparlers. Les discussions portent sur le développement rural, la participation politique des FARC, la lutte contre le narcotrafic, les réconciliations et le processus de fin de conflit.

2013 : Les premiers revers et les premiers succès

Au début de l’année, les FARC procèdent à une série d’assassinats et d’enlèvements, qui est une réponse selon eux à une action militaire qui tua des guérilleros lors d’un cessez-le-feu unilatéral des FARC. Malgré ces violences, les pourparlers continuent et les deux parties trouvent un accord sur le développement rural en mai. Les FARC veulent que les accords trouvés soient implémentés par une assemblée constituante, mais le gouvernement s’oppose au danger que représente la réécriture de la constitution : c’est finalement un référendum qui sera tenu. De plus, un accord est trouvé sur la participation politique des FARC fin novembre. Les FARC déclarent un second cessez-le-feu unilatéral.

2014 : Les soucis électoraux

En mai, les deux parties annoncent un accord sur le narcotrafic. Néanmoins, les élections congressionnelles et présidentielles jettent un voile sur le processus de paix. L’ex-président Uribe a formé son propre parti (Centre démocratique, CD) et réussit à former une force politique considérable opposée aux négociations : le CD gagne 20 des 100 sièges au Sénat et gagne le premier tour des élections présidentielles. Le président Santos arrive toutefois à se faire réélire au second tour grâce à une coalition pour la paix formée de forces du centre et de la gauche. En juillet, les FARC sabotent des infrastructures gouvernementales en représailles aux assassinats de leurs chefs. En novembre, ils arrivent à kidnapper pour la première fois un général de l’armée colombienne. Les pourparlers sont interrompus jusqu’à un accord de désescalade en décembre : le général est libéré et les FARC déclarent un premier cessez-le-feu unilatéral pour une durée indéterminée sous condition que l’armée ne les attaque pas.

2015 : Une montée du scepticisme

Les combats reprennent en avril : la population devient de plus en plus sceptique sur la réalisation d’un accord. Les négociateurs cubains et norvégiens pressent les deux parties de s’entendre et leurs efforts portent fruit en août lorsque les FARC annoncent un cessez-le-feu et le gouvernement l’arrêt des bombardements. En décembre, un accord sur le dernier point des discussions, les réparations aux victimes, est trouvé.

2016 : Les succès diplomatiques menacés par la population

En mai, l’amnistie aux guérilleros fait partie des accords et il est annoncé qu’un plébiscite sera organisé. L’ex-président Uribe parle d’un « coup d’état ». Fin juin, des accords qui porte sur un cessez-le-feu bilatéral et le désarmement des FARC sont signés. Le 27 septembre, les accords sont signés officiellement à Cartagena. Timochenko, le chef des FARC, demande pardon à toutes les victimes du conflit. L’accord de paix est rejeté par référendum le 2 octobre : le « non » gagne à 50,21% avec un haut taux d’abstention (62.72%). Quelques ratifications sont faites suite aux critiques d’Uribe et de ses partisans, notamment opposés sur la possibilité des guérilleros de briguer des mandats parlementaires. Un nouvel accord, qui préserve la participation politique des FARC, est signé le 24 novembre et approuvé à l’unanimité par le Sénat et la Chambre des députés, Uribe et ses partisans boycottant les sessions parlementaires.

2017 : Un nouveau commencement

Un vide politique dans les zones délaissées par les FARC créent des violences : des groupes criminels armés tentent de reprendre les zones de plantation de coca et assassinent les activistes et leaders locaux. Le désarmement des FARC commence véritablement le 1er mars.

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