Musée de la chasse et de la nature : compte rendu de l’exposition Black Deer

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BLACK DEER © Georges Poncet, Courtesy Jeanne Bucher Jaeger, Paris

Parmi les musées à thématique inusitée que l’on trouve à Paris — Musée de la magie, Musée du fumeur, Musée de la vie romantique — le Musée de la chasse et de la nature se distingue en offrant plus qu’un simple divertissement aux touristes cherchant à contourner les désagréments d’un après-midi pluvieux.

Situé dans un hôtel particulier du XVIIe siècle du Marais, le musée rassemble dans un décor somptueux la collection personnelle de M. et Mme Sommer, passionnés de chasse et de la nature, composée d’objets d’arts plastiques et appliqués. D’un salon à l’autre, l’histoire de la chasse et de sa représentation du Moyen-Âge à nos jours se découvre au travers d’objets variés : peintures, gravures (dont plusieurs de Daumier sont à découvrir en tirant des tiroirs), mobilier, fusils, couteaux, gourdes, trophées, animaux empaillés, etc.

Le véritable intérêt du musée est cependant l’intervention furtive des plasticiens contemporains à l’intérieur des espaces d’exposition. Jusqu’au 12 février, c’est l’artiste portugais Miguel Branco qui pose, çà et là, à même la collection, ses œuvres dont la plupart représentent des animaux. Plusieurs sculptures de petites dimensions, faites de pâte à modeler, apparaissent subrepticement à l’intérieur des différents dispositifs d’exposition, comme dans le cabinet de la licorne où sont rassemblés des objets évoquant des espèces animales fabulées, mythologiques, exotiques. À titre d’exemple, au salon bleu où sont accrochées les œuvres du peintre Alexandre-François Desportes (1661-1743), spécialisé dans les scènes de chasse et les animaux, une peinture d’une poule imitant la peinture du XVIIIe siècle réalisée par Branco se fond quant à elle complètement au décor.

D’autres, de dimensions plus importantes, offrent un contre-pied intéressant à la thématique de la chasse du musée. Dans la salle d’armes, par exemple, domine un cerf en bronze plaqué or qui renverse ainsi sa position de soumission dans le contexte de la chasse. Dans le cabinet des singes, une figure mi-homme mi-singe en position de méditation parvient efficacement à brouiller la dichotomie factice entre l’homme et l’animal sur lequel repose cette activité.

L’artiste, dont la démarche elle-même est celle de dialoguer avec les formes et les styles composant l’histoire de l’art, arrive ici à mélanger savamment ses œuvres entre autres inspirées des images de l’Histoire naturelle du comte de Buffon à des objets de curiosité parfois franchement insolites dans ces espaces qui ont gardé leur apparence domestique.

 

L’initiative permet d’inscrire en quelque sorte le contemporain dans l’histoire sans l’ordonner de façon chronologique, sans faire des objets du présent l’aboutissement de développements technologiques ou esthétiques. On prend rapidement plaisir à jouer à reconnaître l’anachronique, à chercher l’intrus, dans une mise en exposition des objets déjà passablement hétéroclite. Les habitudes de perception orientées vers des objets au statut différent — documents historiques, objets d’artisans, œuvres d’art — se voient à la fois mises en évidence, déstabilisées et finalement complètement brouillées, de sorte à créer une expérience muséale assez singulière. Ici, c’est le contexte qui fait l’exposition davantage que les œuvres qui sont formellement réussies, certes, mais qui peinent à acquérir, à elles seules, une véritable pertinence.

Enfin, il faut préciser que l’ingéniosité du projet ne parvient cependant pas complètement à faire de cet endroit autre chose qu’un temple masculiniste où pères et fils se déplacent spécifiquement pour rencontrer une série de clichés dont on pourrait très bien se passer. Il devient alors évident que l’art contemporain n’arrive pas à contourner le malaise inhérent à l’histoire de la violence perpétrée envers les animaux que raconte le musée, même si, à sa défense, une volonté d’en présenter une lecture critique est manifeste.

 

Black Deer de Miguel Branco

Musée de la chasse et de la nature (62 rue des Archives – 75003 Paris)

RER B + Métro 11 Rambuteau depuis la Cité-U

 

Par Benoit Jodoin

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