Kilombu: une initiative pour la valorisation des afro-entrepreneurs brésiliens

Vous êtes-vous déjà interrogé sur le processus de création d’une start-up? Nous avons discuté avec Vitor Coff Dell Rey, diplômé en sciences sociales et fondateur de « Kilombu », une initiative – sous la forme d’application pour smartphone qui cherche à valoriser le travail des afro-entrepreneurs au Brésil. Cette application facilite la création de réseaux de contacts, la performance technique et financière, et l’accès à des outils informatiques et professionnels indispensables pour les afro-brésiliens qui s’engagent dans la voie de l’entrepreneuriat. Entretien avec V.C. Dell Rey. Propos recueillis et traduits par Cristiana Barretto. 

Les fondateurs de Kilombu expliquent que selon les données du Sebrae sur la base l’enquête nationale sur les ménages, 51% des entrepreneurs du pays sont des afro-brésiliens. Cependant, les initiatives développées par des afro-brésiliens sont trois fois moins susceptibles de recevoir des financements, qu’ils proviennent de la sphère publique ou privée. Ainsi, l’application «Kilombu» vise à promouvoir le développement d’entreprises crées au sein de la communauté afro-brésilienne, mais aussi à réduire les inégalités sociales, économiques et éducatives qui réduisent l’accès des afro-entrepreneurs au marché. Voici donc la présentation de cette start-up, qui aspire à démocratiser l’accès aux techniques entrepreneuriales au Brésil.

Comment est née l’idée de développer une application pour smartphone visant à valoriser l’afro-entrepreneuriat Brésilien?

V.C.D : L’idée est venue de notre relation avec des entrepreneurs qui habitent au sein des bidonvilles (favelas) aux environs de la Fondation Getúlio Vargas (FGV). L’École de Droit de la Fondation avait proposé un projet qui visait à étudier l’émergence de « l’esprit entrepreneurial » dans ces communautés via une perspective interdisciplinaire, en mobilisant des outils pratiques provenant du droit et de l’économie mais aussi des sciences sociales.

Nous avons donc tenté d’observer les processus de formation des petites entreprises gérées par les résidents des bidonvilles à Rio. Ainsi, nous avons identifié que 95% des résidents des bidonvilles qui travaillaient avec nous étaient des afro-brésiliens, avec 80% de participation de femmes. Par ailleurs, nous avons observé que bien souvent ces personnes présentaient des difficultés à développer leurs projets du point de vue administratif et financier. Nous avons donc imaginé une manière de les aider dans le processus de formation d’initiatives d’entrepreneuriat pour tenter de réduire les barrières rencontrées pour l’accès au marché de travail, surtout quand ces personnes envisagent des postes de gestion (comme celle de CEO).

Quel nom offrir à cette start-up ? Le terme « quilombo » est un concept à forte connotation historique qui désigne les sociétés cachées d’esclaves qui fuyaient des plantations de café pendant l’ère coloniale au Brésil. Cependant, ce nom était déjà pris par une autre entreprise. J’ai donc suggéré l’adaptation « Kilombu », au féminin. L’expression “quilombo” dérive du mot “kilombo” de la langue mbundo, de racine linguïstique du Banto, qui signifie “une société qui est née de la manifestation de jeunes africains guerriers”.

Comment définiriez-vous les principaux objectifs de Kilombu et quels sont les impacts que le projet souhaite avoir d’un point de vue économique et social?

V.C.D : Au départ, nous avons établi des partenariats avec les organisations étudiantes qui assistaient les afro-entrepreneurs rencontrés, en leur proposant des cours de gestion et de marketing gratuits. Les outils employés étaient, dans un premier temps, l’interface CANVAS et l’analyse SWOT.

L’objectif était de créer une application pour smartphone qui relierai les deux extrémités: d’une part, les afro-entrepreneurs et de l’autre, des gens qui veulent acheter des produits ou des services auprès de la communauté afro-brésilienne. Le sens principal de Kilombu est de surmonter les inégalités économiques et académiques qui maintiennent les inégalités dans notre pays. Pour nous, dans cette perspective, un afro-entrepreneur est un militant !

Quelles initiatives ont été concrètement développés par les afro-entrepreneurs au Brésil, en dépit des barrières rencontrées ? Quels sont les facteurs qui motivent cette dynamique, au-delà de l’intérêt économique ?

V.C.D : Il faut dire que du point de vue des initiatives, le scénario s’est beaucoup amélioré au cours des dernières années. Pour en témoigner nous pouvons citer des activités dans le domaine de la technologie, comme la Diaspora Black (une sorte d’Airbnb de la communauté noire) ou encore le Black Account, qui est une Fintech. Il existe également la Vale do Dendê, à Bahia et la start-up des femmes noires AfroBox. Les femmes afro-brésiliennes sont celles qui innovent le plus, comme l’illustre l’exemple de Pretalab, qui agit dans le domaine du numérique.

Je dirais également que l’un des facteurs les plus importants qui poussent un afro-brésilien à devenir entrepreneur, c’est la normalisation du racisme. Puisque nous ne sommes souvent pas considérés comme des consommateurs dans les boutiques – ce qui est démontré par l’inexistence de produits qui considèrent nos spécificités du point de vue de la couleur de peau, du type de chevelure – nous sommes contraints à créer nos propres initiatives.

Quelles seraient vos principales recommandations pour les étudiants universitaires qui veulent s’initier à l’entrepreneuriat ?

V.C.D : Personnellement, l’enseignement que j’ai eu dans les favelas m’a appris beaucoup de choses. Par ailleurs, les études académiques m’ont offert des outils non seulement pour élaborer une analyse critique de la situation socio-économique des personnes afro au Brésil, mais aussi pour comprendre quelles sont les mesures les plus efficaces pour combattre les forces du racisme structurel dans le quotidien. Mais je dirais surtout: n’agissez pas sans consulter les données socio-économiques et éducatives disponibles. L’analyse anthropologique relative à la technologie et la société est également utile pour s’initier dans ce domaine.

Pour finir, je voudrais rajouter que « Kilombu » fêtera son deuxième anniversaire le 20 Février 2018. Nous irons dévoiler à cette occasion la nouvelle version de l’application : il y aura 8 nouvelles mises-à-jour que nous appellerons « Système K ».

Pour en savoir plus sur Kilombu, il suffit de visiter la page: http://www.kilombu.com (en portugais, ne pas hésiter à contacter colinegaubicher@gmail.com pour entrer en relation avec l’instigateur du projet).

 

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