Citation de la semaine : un Philippin anonyme, 7 décembre 2016

Source – Presidential Communications Operations Office – President_Rodrigo_Duterte_speech_070116 – https://commons.wikimedia.org/wiki/File:President_Rodrigo_Duterte_speech_070116.jpg – Domaine Public

« Ils nous massacrent comme des animaux ».

Ce sont les propos d’un homme de Manille, rapportés dans un photoreportage de Daniel Berehulak du New York Times, en lien avec la violente campagne antidrogue lancée il y a deux mois par le Président Rodrigo Duterte, menée par la police et des groupes de justiciers autoproclamés.

Hissé au sommet de l’État le 30 juin dernier, Rodrigo Duterte était déjà connu pour son franc-parler et son attitude de « dur à cuire » en tant que maire de Davao. Depuis, il multiplie les prises de position polémiques, notamment en traitant publiquement Barack Obama et François Ier de « fils de pute ». Outre ces accrocs diplomatiques, le régime philippin est responsable de graves violations des droits humains, suscitant la condamnation des Nations unies et d’États, de l’Église catholique, de journalistes et de la société civile.

Avant d’arriver au pouvoir, Duterte était accusé d’avoir participé à des escadrons de la mort alors qu’il était maire, et n’a depuis jamais nié avoir commis des meurtres. De plus, Human Rights Watch, une ONG, estime qu’il aurait ordonné la mort de plus de 1 000 personnes dans les années 1990.  Se vantant d’avoir nettoyé sa ville du crime organisé et de la drogue à travers ses politiques répressives (ce qui est démenti), il se lance dans la campagne présidentielle pour nettoyer le pays en entier.

Sitôt élu, il proclame : « Vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce que je vais vous tuer ». Dans une guerre contre la drogue rappelant les confrontations du siècle dernier en Amérique latine, ses méthodes d’appréhension des accusés de consommation et vente de stupéfiants sont fort simples : exécution immédiate sans procès par la police. Souvent, comme le rapporte Daniel Berehulak, les assassinats sont exécutés par deux hommes armés à moto, dans une technique surnommée « monter en tandem ». Lorsque la branche judiciaire lui a demandé de se munir de mandats d’arrestation conformes, il a menacé d’imposer la loi martiale, ce qui érode l’État de droit, d’après The Economist.

Les statistiques sont choquantes. Depuis son arrivée au pouvoir, 35 600 personnes ont été arrêtées dans le cadre du projet Tokhang, plus de 2 000 personnes ont été exécutées par la police et 3 500 homicides sont non résolus. En octobre dernier, le président a déclaré « vous pouvez vous attendre à 20 000 ou 30 000 de plus ». La violence est normalisée, les prisons sont pleines à craquer et le pays semble être en deuil permanent. Daniel Berehulak expose cette réalité en images, à travers les scènes funéraires, les corps laissés à pourrir sous la pluie, les épouses et mères agenouillées sur les cadavres.

D’après le président Duterte, Donald Trump lui même aurait endossé cette campagne meurtrière, s’estimant « sensible à l’inquiétude suscitée par l’enjeu des stupéfiants » et reconnaissant la souveraineté de l’État philippin dans la détermination de ses politiques en la matière.
Étant donné la gravité des atrocités commises, la Cour pénale internationale, compétente pour juger des crimes contre l’humanité, pourrait intervenir dans le dossier. À cet effet, Fatou Bensouda, procureure de la CPI, a exprimé que « les exécutions extrajudiciaires peuvent relever de la compétence de la Cour pénale internationale si elles sont commises dans le contexte d’une attaque systématique ou généralisée dirigée à l’encontre de la population civile en application de la politique d’un État ». Il s’agirait d’un ultime garde-fou contre l’homme qui a dit s’inspirer d’infâmes et sanguinaires dictateurs, atteignant le point Godwin en comparant sa campagne

Crédit photo : Presidential Communications Operations Office

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